La myopie du futur : comprendre nos difficultés à se projeter dans l’avenir
Il y a des mots qui font l’effet d’un coup de projecteur.
En écoutant récemment une conférence sur le TDAH, une expression m’a arrêtée : « la myopie du futur ».
Sur le moment, j’ai senti comme un écho en moi : ce flou, cette difficulté à voir loin, cette impression de rester collée à l’immédiat… Et plus j’y pense, plus je vois que ce n’est pas qu’une affaire de TDAH. C’est un symptôme de notre époque.
Combien d’entre nous vivent ainsi, pris dans l’urgence du présent, incapables de se projeter dans l’avenir ? Que ce soit en santé ou dans le travail, je rencontre cette même mécanique : éteindre des feux aujourd’hui, sans jamais nourrir demain.
Quand l’avenir devient flou : un constat social en France
Une enquête IFOP (2024) révèle que 76% des Français expriment de l’inquiétude lorsqu’ils pensent à l’avenir. Crises économiques, tensions sociales, inquiétudes écologiques… le futur paraît incertain, parfois menaçant.
Alors, beaucoup vivent au jour le jour. Ils éteignent des feux, tiennent les échéances, repoussent les grandes décisions. La santé et le travail deviennent des espaces gérés en urgence, rarement en prévention ou "vision".
Santé et myopie du futur : éteindre les feux plutôt que prévenir
Dans le domaine de la santé, cette myopie se traduit par une logique du court terme : soulager un symptôme sans interroger sa cause, ignorer les signaux faibles du corps, repousser les bilans ou les changements d’habitudes.
Cette difficulté à se projeter n’est pas qu’organisationnelle : elle est aussi biologique. La dopamine, ce neurotransmetteur clé de la motivation, régule notre capacité à anticiper. Quand elle fait défaut, l’avenir semble moins concret, moins désirable. On choisit la gratification immédiate plutôt que l’investissement à long terme.
Comme le soulignait Ivan Illich (Némésis médicale, 1981), la médecine moderne a souvent réduit la santé à une suite d’interventions techniques, oubliant la dimension de projet et d’autonomie. Nous devenons les pompiers de notre propre corps, quand nous pourrions en être les architectes.
Travail et avenir professionnel : quand on reste figé dans l’immédiat
En accompagnement professionnel, je retrouve la même dynamique. Des personnes restent vingt ans au même poste, « parce qu’il fallait tenir ». Jusqu’au jour où la direction change, où la santé craque, où le poste disparaît.
Le futur, évité trop longtemps, revient alors… mais dans la douleur.
Hartmut Rosa (Accélération, 2010) décrit bien cette contraction du temps : nous vivons dans un présent saturé de tâches et d’urgences, où l’avenir n’est plus une promesse, mais une source d’angoisse.
Neurosciences et dopamine : comprendre notre rapport au temps
La « myopie du futur » trouve aussi des explications dans les neurosciences.
La dopamine n’influence pas seulement le plaisir immédiat : elle est le moteur de la projection.
Quand le système dopaminergique est fragilisé (fatigue chronique, stress, TDAH, dépression), le futur perd sa valeur concrète.
Résultat : on reste collé au présent, sans parvenir à donner un cap.
Entre projections infinies et incapacité à se projeter
Paradoxalement, la myopie du futur n’est pas l’opposé de la dispersion.
D’un côté, certains partent dans mille projections, sans jamais s’ancrer.
De l’autre, beaucoup restent figés dans l’immédiat, incapables de voir plus loin.
Dans les deux cas, le lien entre aujourd’hui et demain est rompu. Soit l’avenir nous échappe car il est trop diffus, soit il disparaît car il n’existe plus dans notre conscience.
Retrouver l’horizon : une vision claire entre présent et futur
Pour ma part, il y a un lieu qui m’aide à ce réajustement : l'océan, la mer. Quand je me tiens face à l’océan, le regard posé sur la ligne d’horizon, je sens en moi une mise au point.
Mon esprit d’ingénieure y voit une trajectoire, une continuité.
Mon approche de naturopathe y trouve un ancrage corporel, un souffle.
Et ma sensibilité s’ouvre : l’horizon m’invite à rêver, à imaginer, à créer.
C’est peut-être là ma façon de rééduquer ma propre « myopie du futur » : m’appuyer sur le paysage pour rouvrir des champs intérieurs.
De l’intime au collectif : retrouver un rapport au temps
Cette expérience intime, face à la mer, me rappelle que nous ne vivons jamais seuls ... dans le temps.
Ce qui se joue à l’intérieur de nous résonne aussi avec le monde autour.
Nous avons besoin, individuellement, de retrouver ce lien entre aujourd’hui et demain.
Et collectivement, de réapprendre à regarder plus loin que l’urgence, à redonner du souffle à nos choix.
Car l’horizon n’appartient pas qu’à chacun de nous : il est aussi un espace commun, où nos trajectoires se rencontrent.
Sortir de la myopie du futur
La « myopie du futur » n’est pas qu’un concept scientifique ou philosophique. C’est une expérience humaine, parfois douloureuse, parfois paralysante. Mais il est possible de réapprendre à voir plus loin.
Voici trois pistes simples pour commencer dès aujourd’hui :
1. Respirer l’instant : offrez-vous 5 minutes par jour sans écran, juste pour ressentir votre corps.
2. Écrire une vision courte : notez chaque soir une petite action qui contribue à demain.
3. Chercher l’horizon : sortez, regardez loin, entraînez votre regard et votre esprit à ouvrir le champ.
Et si vous sentez que votre horizon s’est rétréci – que ce soit dans votre santé ou votre parcours professionnel – je vous accompagne à retrouver une vision claire et incarnée.
Parce qu’avoir une vision, ce n’est pas quitter le présent : c’est lui donner une direction, une respiration, un sens.
With Love 💖,
Corinne,
Cet article vous est proposé par Corinne Sabadel, Naturo-thérapeute et formatrice, spécialisée dans l’accompagnement des presque 50 ans et plus à travers la nutrition émotionnelle, la santé globale et les transitions de vie.
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